Dreifuss “assez optimiste” sur une régulation du cannabis en Suisse

Par Ruth Dreifuss

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L’ancienne présidente de la Confédération Ruth Dreifuss est “assez optimiste” sur une régulation publique à terme du cannabis en Suisse. Elle estime qu’il faudra quatre ans avant des enseignements des projets pilotes qui démarrent cet été.

Au terme de cette expérience, “le débat politique pourra commencer pour une modification de la loi sur les stupéfiants”, a-t-elle estimé mardi à quelques journalistes à Genève. Selon celle qui est désormais membre de la Commission mondiale sur les politiques des drogues, le pays devrait prendre la voie d’une régulation publique du marché de ces substances.

“Mais cela prendra du temps”, admet-elle, précisant ne pas être favorable à une “libéralisation” qui ne serait pas contrôlée. Dans l’immédiat, une initiative parlementaire sur cette question est en cours de discussion. Les deux approches parallèles “vont se rejoindre” d’ici quelques années, estime l’ancienne conseillère fédérale.

Bâle-Ville va démarrer à la fin de l’été une vente contrôlée de cannabis dans les pharmacies auprès de 400 consommateurs réguliers qui ont été identifiés. D’autres collectivités comme Berne, Zurich, Genève ou Lausanne vont suivre.

Discussion dans des Etats

M. Dreifuss estime à trois ans la durée de ces expériences. Il faudra ensuite une année supplémentaire pour tirer des enseignements scientifiques. Pour un changement plus important, la Suisse regardera probablement ce qui se fait ailleurs en Europe.

L’Allemagne va autoriser la vente libre de cannabis et d’autres pays européens y réfléchissent. Problème, la Convention internationale sur les drogues ne prévoit pas de décriminalisation totale de la filière, de la production à la consommation et doit être modifiée, selon Mme Dreifuss.

“L’Europe est en train de bouger et la Suisse devra se poser la question de déroger à cette convention”, alors qu’elle défend le multilatéralisme, ajoute-t-elle. Elle admet que la multiplication des différentes drogues a rendu “plus complexe” la situation.

Tribunaux plutôt que politiques

En un peu plus de dix ans, la Commission mondiale, qui réunit plus d’une vingtaine de personnalités dont de nombreux anciens chefs d’Etat et de gouvernement, estime avoir réussi à mettre la question de la décriminalisation et de la régulation au centre. Et aussi les volets sociaux, sanitaires, économiques ou encore discriminatoires.

Au Canada, le cannabis est légalisé et régulé. L’Etat vend lui-même la drogue dans une région, affirme une autre membre de la Commission, Louise Arbour. Or les succès ont été obtenus par des “tribunaux où un débat scientifique a pu avoir lieu”, contrairement aux décisions politiques, estime-t-elle.

“La Convention internationale et les lois nationales ont provoqué plus de dommages que de bien”, dit aussi Mme Dreifuss. Ces dernières années, des réformes ont été menées, notamment pour l’accès aux médicaments indispensables qui pouvaient être associés à des stupéfiants. Mais si des avancées ont été obtenues aussi sur le plan multilatéral, elles ne sont pas suffisantes, selon Mme Dreifuss. “Aussi longtemps que nous resterons dans une approche d’interdiction, nous en subirons les conséquences”, dit-elle.